UN AUTOCOLLANT POUR LES CONDUCTEURS SENIORS
Tout le monde connaît l’autocollant “A” qui signale que le conducteur doit respecter une réglementation spécifique par manque d’expérience. A côté de cet autocollant règlementairefigurant au “Code de la route”, on voit de tempsen temps l’autocollant “bébé à bord” qui doit inciter à plus de vigilance. Au début de cette année, un particulier, Monsieur Gilles Renard, a lancé la commercialisation d’un macaron “S”pour les conducteurs seniors. Son but : rendreplus attentif les autres usagers et leur faire prendre plus d’égards. Cette démarche nous donne l’occasion de faire le point sur cette catégorie d’usagers que nous deviendrons forcément un jour (c’est à espérer) ou que nous sommes déjà.
QUAND DEVIENT-ON “SENIOR” ?
Pour les professionnels de la santé c’est à 70 ans parce que c’est à 73 ans en moyenne que survient le premier accident de santé sérieux. Les pouvoirs publics, quant à eux, placent à 60-65 ans le seuil d’accès à certaines prestations sociales.
En tout état de cause, dès l’âge de 40 ans les capacités s’altèrent : par exemple le tempsde récupération d’unœilébloui augmente avecl’âge, quand il faut 10 secondes à 25 ans cela peut mettre jusqu’à 2 minutes chez les plus de 40 ans. Evidemment, nous ne sommes paségaux devant le vieillissement :aujourd’hui on peut être en pleine forme à 75 ans ou avoir perdu beaucoup de ses moyens à 55 ans. Avecl’augmentation de l’espérance de vie, les démographes estiment qu’en 2050, un français sur 3 aura plus de 60 ans, dont la moitié plus de 75.
Bien qu’il existe au sein de cette classe d’âge de grandes disparités, dans le niveau de vie comme dans l’état de santé, cette situation neva pas sans poser de problème, notamment ence qui concerne la mobilité.
LES CONDUCTEURS SENIORS SONT-ILS DANGEREUX ?
Des études menées en France et aux Etats-Unis ont montré que près de 10 % des responsablesd’accidents mortels ont plus de 70 ans. La fréquence des accidents rapportée à la distance parcourue est le double de celle qu’on rencontre chez les sujets d’âge moyen. Mais l’augmentation du risque au kilomètre parcouru est compensée par la réduction de l’expositionau risque : en avançant en âge on parcourt de moins en moins de kilomètres, on évite deconduire de nuit, on roule moins vite, on ne dépasse pas les autres véhicules, on rallongeles distances desécurité.
Certainespersonnesneconduisentplusquesurdetrèspetitesdistances,enutilisantdesitinérairesconnus et pour des activités nécessaires. L’analyse descirconstances des accidents montre qu’ils sont plusfréquents aux intersections et à vitesse réduite et qu’ils reposent plus souvent sur des défauts d’observation desrèglements de conduite : refus de priorité, changement de direction, passage interdit. Tout se passe commesi les accidents survenaient à la faveur des situations de conduite qui exigent une décision rapide avec des capacités de jugement quasi instantanées.
ABANDONNER LA CONDUITE FAVORISE LA DÉPRESSION
Selon 16 études publiées dans le ‘’Journal of the American Geriatrics Society ‘’ renoncer à laconduite accélère le déclin mental et physique. Les seniors qui ont cessé de conduire sont enmoins bonne santé globale, le déclin de leurs capacités cognitives et de l’autonomie physique s’accélèrent. Le risque de mortalité à 5 ans estainsi 68 % plus élevé chez les seniors qui abandonnent la conduite. La probabilité d’entrer dans une institution du type maison de retraite estégalement multipliée par 5. Le fait de voir le cercle de leurs relations se réduire, de perdre leur liberté et leur indépendance accroît fortement le risque de symptômes dépressifs et les modes de transport alternatifs ne compensentpas forcément ce déclin généralisé. L’enjeu n’est pas tant de rajouter des années à la vie,mais de la vie aux années.
UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN
Piloter une voiture nécessite une bonne vue (on estime qu’un automobiliste sur 3 voit mal), une bonne coordination, des réfl exes rapides, de la souplesse corporelle, de la concentration… bref d’être en forme et en bonne santé. La majorité des seniors voit leur médecin plus fréquemment que le reste de la population et donc leur état de santé général est surveillé. Sauf contre-indication médicale majeure, ils peuvent conduire sans plus de risques que n’importe qui. Il conviendra toutefois de prendre quelques précautions : vérifier si les médicaments que l’on prend sont compatibles avec la conduite, surveiller son alimentation (trop de sucre par exemple favorise la somnolence). Comme la vue, l’ouïe chute passé 65 ans : 30 % des personnes auraient besoin d’une correction auditive. Il sera également important d’entretenir son intellect, lire, écrire, entretenir sa mémoire, participer à des stages de réactualisation des connaissances, pratiquer la route en évitant la routine. Les conducteurs réguliers ont, proportionnellement, moins d’accidents que les occasionnels.
LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DES SENIORS
Conduire est synonyme d’autonomie et de vie sociale, le vrai défi consistera à maintenir les conducteurs âgés sur la route. Il existe de nombreux dispositifs pour améliorer la sécurité routière, notamment celle des seniors, et on ne cesse d’innover dans ce domaine : vivement le véhicule connecté ! Mais sans attendre l’arrivée du véhicule autonome, de nombreux dispositifs existent déjà. Si l’on change de véhicule, il conviendra de privilégier de grandes surfaces vitrées qui amélioreront le champ de vision, un tableau de bord n’indiquant que les données essentielles à l’aide de gros chiffres, un véhicule avec une portière plus grande et dont la hauteur permettra de s’asseoir et de sortir plus facilement. Pourquoi ne pas opter pour un véhicule à boîte automatique ? Cela permettra de mieux se concentrer sur la conduite et de diminuer les douleurs des jambes, de la hanche et du dos. On pourra également fixer un rétroviseur additionnel (très utile en cas de raideur dans la nuque) équiper son véhicule d’un compteur ‘’tête haute” qui affichera en bas du pare-brise la vitesse et les principales indications pour éviter à l’oeil tout travail d’accommodation entre la route et les compteurs. De plus en plus d’outils d’aide à la conduitefont leur apparition :
- aide au stationnement (certains véhicules équipés de capteurs extérieurs peuvent effectuer quasi-automatiquement un créneau pour se garer);
- détecteurs d’obstacles (des capteurs vous alertent en cas de collision imminente);
- alerte d’angle mort (un signal lumineux avertit qu’un véhicule est entrain de dépasser etsonne si l’on s’apprête à déboîter);
- alerte de franchissement de ligne;
- freinage automatique (si le conducteur ne réagit pas face à un obstacle, piéton ou véhicule, efficace à 30 ou 50 km/h selon les modèles).
QUAND S’ARRÊTER DE CONDUIRE ?
Il faut être à l’écoute de soi-même afin de détecter d’éventuels troubles, être attentifs aux premiers prémices d’incapacité, interroger son médecin, écouter les observations des passagers. Une conduite saccadée, des erreurs de conduite, le manque d’anticipation,les freinages au dernier moment, un mauvais positionnement sur la chaussée, de plus en plus de bosses ou d’éraflures sur la voiture sont des signaux qui doivent alerter. Un audit de conduite, effectué par un professionnel, permettra également de vérifier les aptitudes.
Certains pays ont rendu le contrôle médical obligatoire à partir de 75 ans, cette mesure ne s’est pas avérée efficace, elle serait même contre-productive. Les conducteurs concernés préfèrent cesser de conduire plutôt que de demander la prolongation du permis de conduire. Le taux de mortalité des personnes âgées a alorsaugmenté parce qu’en changeant leur mode de déplacement (en devenant piétons, cyclistes…) elles sont devenues plus vulnérables.
Ernest Hemingway écrivait dans “L’adieu aux armes” : “la sagesse des vieillards, c’est une grande erreur. Ce n’est pas plus sages qu’ils deviennent, c’est plus prudents.”
La prudence n’est-elle pas, en matière de sécurité routière, une des principales qualités requises, à tout âge ?
Laisser un commentaire