Titulaire du permis depuis 15 ans, Sylvie (prénom changé) ne conduit pas. Elle a peur. Pourtant, à 36 ans, elle n’a jamais eu d’accident. Elle a obtenu son permis du premier coup mais n’a jamais eu de voiture. Elle se déplace à pied, en bus, en train. “J’ai conduit exceptionnellement deux ou trois fois sur des courts trajets et à chaque fois je suis extrêmement tendue. Je crains de faire une mauvaisemanœuvre, de perdre le contrôle et de ne pas réussir à maîtriser levéhicule…Quand je transporte les enfants, c’est encore pire. Conduire est tellement désagréable, j’appréhende tellement que, par facilité, j’ai complètement arrêté”.
“DANS LE REGARD DES AUTRES, JE ME SENS IDIOTE”
“LE MONITEUR ME DISAIT QUE J’ÉTAIS UNE INCAPABLE”
PRÉTENDRE NE PAS AVOIR LE PERMIS POUR ÉVITER D’AVOIR À SE JUSTIFIER
Alors comme Sylvie, elle a fait quelques recherches sur Internet. Sur de nombreux forums, les internautes osent enfin confier ce mal qui a un nom : l’amaxophobie. Ce sont presque toujours des femmes qui en souffrent, à tout âge, rarement suite à un accident. Elles décrivent des “bouffées de chaleur, une transpiration excessive, des tremblements, palpitations, un rétrécissement du champ de vision”. Certaines s’accrochent, se forcent à conduire, mettent sur pied des stratégies pour contourner ce qui déclenche des crises de panique, comme par exemple ne jamais prendre l’autoroute, partir à l’aube par crainte de la circulation, ne pas s’aventurer dans les villes par peur de renverser un piéton… D’autres ont complètement renoncé, et cherchent systématiquement des excuses pour ne pas conduire ou, mieux, prétendent ne pas avoir le permis. Mais si le tabou se brise sur la toile, l’impasse demeure. Les solutions pour remédier à cette handicapante phobie sont rares. La littérature sur le sujet est quasi inexistante.
DU MANQUE DE CONFIANCE EN SOI À LA PHOBIE
La phobie, c’est la peur de la peur, la peur de ressentir ses propres émotions. Alors on évite les situations effrayantes. Au lieu d’être dans la gestion émotionnelle, on met tout de côté et cela finit par revenir comme un boomerang.” Pour briser le cercle vicieux, il faudrait pouvoir s’en ouvrir… “Mais on est dans une société qui valorise la perfection, les personnes amaxophobes gardent cela pour elles, s’isolent et le phénomène s’amplifie », déplore Juliane Gangloff. Avec Mario Camiolo, ils ont mis sur pied un stage d’une journée (115 €).
L’aspect psychologique, de la prise de conscience à l’identification de la phobie, occupe l’essentiel du programme. Un bilan individuel est proposé, servant ensuite de base aux exercices pratiques, au volant. Des modules sur mesure peuvent être mis en place, une psychothérapie sur la gestion émotionnelle peut être utile. “C’est normal d’avoir peur au volant. C’est l’inverse qui serait anormal, remarque Mario Camiolo. Quand on est très sûr de soi, on fonce sans réfléchir et là, le risque d’accident est réel. La peur raisonnée nous permet de rester en éveil, en alerte pour réagir en cas de danger réel. Le problème c’est quand cette peur devient irrationnelle, irraisonnée.” L’homme a aussi constaté que ses stagiaires craignaient “de gêner les autres”. Des personnes qui peinent à trouver leur place dans cet espace public qu’est la route, qui se vivent comme exclus, illégitimes à rouler. Sans doute peut-on mieux faire en matière de vivre-ensemble sur la route.
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